Fidèle à toi-même / True to yourself

Je te souhaite d’être

Fidèle à toi-même

Même si cela

Ne va pas de soi

Fidèle à toi-même

Au sens strict

Essentiel

Loin du culte

De la personnalité

Mais dans la diversion des jours

Et leur prétendue diversité

Nul n’échappe à l’impression

De la dispersion de soi

Ne reste que la nécessité

Tangible d’œuvrer

Dans l’atelier collectif

Des peines et des joies

****************************

I wish you will be

True to yourself

Even if it isn’t

Self-evident

True to your self

In the strictest

Most essential sense

Far from the cult

Of personality

But behind the screen

Of supposed daily variety

No self escapes the

Sense of scattering

There remains only

The tangible need to labor

On the common floor

Of sorrows and joys

Maria Zaki (Poème extrait du nouveau recueil bilingue « A mon fils » « To my son » traduction de Matthew Brauer, Ed. L’Harmattan, Paru le 26 octobre 2023)

À mesure de ta maturité / As you age

À mesure de ta maturité

Mon fils

Tu comprendras

Que ce qui nous manque

Détermine notre créativité

Que dans notre façon

D’appréhender la privation

La navigation s’opère entre

La mer des idées

Et le port de la réalité

Il est possible que le passé

Dont nous nous sommes

Habilement détachés

Nous visite parfois

Nous l’embarquerons

Alors

Vers des contrées

Qu’il ignore

Et dont nous sommes

Des artisans adroits

*********************

As you age

My son

You will understand

What we lack

Determines what we create

The way we

Know hardship

Navigating between

The sea of ideas

And the port of reality

It may be that the past

However deftly we have

Disentangled ourselves from it

Sometimes visits us

We will ship it off

Then

To lands

Unknown to it

Of which we

Are the able artisans

Maria Zaki (Poème extrait du nouveau recueil bilingue « A mon fils » « To my son » traduction de Matthew Brauer, Ed. L’Harmattan, Paru le 26 octobre 2023)

À mon fils / To my son

Dans l’inestimable dimension

Où rayonne l’amour

Malgré les ombres

Sournoises et jalouses

Que le présent nous impose

Je te retrouve de tout temps

 

Je retrouve celui

Que la vie a mené

Loin de moi

Dans les apories

Des chemins

Pour se forger le sien

 

De te suivre

Malgré moi je m’abstiens

Ne te laissant que

Mon invisible présence

Fruit inhérent

À la fuite du temps

 

Souvent je me fais

Violence pour garder

Et sauvegarder

Entre nous

L’indispensable distance

 

Mais je te retrouve

Au fil de mes heures

Aimant et fidèle

À ta place

Dans mon cœur

********************

In the incalculable dimension

Where love shines

Despite the snide

And jealous shadows

The present imposes

I always find you

 

I find the one

Life has led

Away from me

Through the gaps

In our paths

To forge his own

 

Despite myself I decline

To follow you

Leaving only

My invisible presence

The fruit

Of time’s flight

 

Often I harm

Myself to keep

And safekeep

Between us

The indispensable distance

 

But I find you again

While stitching time

Loving and loyal

At your seat

In my heart

 

Maria Zaki (Poème extrait du nouveau recueil bilingue « A mon fils » « To my son » traduction de Matthew Brauer, Ed. L’Harmattan, Paru le 26 octobre 2023)

La vie est comme un livre / Life is like a book

La vie est comme un livre

Dont on tourne les pages

Pour aller de l’avant

Entre les plus lointaines

D’entre elles

Parfois des liens

Peuvent se produire

Alors qu’entre des lignes

Qui se suivent

Le plus contradictoire

Peut se lire

*************************

Life is like a book

Whose pages we turn

To forge ahead

Between the ones

Furthest apart

Sometimes a link

May form

While between one

Line and the next

Complete contradiction

May appear

Maria Zaki (Poème extrait du nouveau recueil bilingue « A mon fils » « To my son » traduction de Matthew Brauer, Ed. L’Harmattan, Paru le 26 octobre 2023)

Au-delà du silence

Au-delà du silence

Les frémissements du poème


Au-delà du langage

Les germes de la pensée


Au-delà du tangible

Les éclats du rêve


Et au-delà de tout

Les doutes invincibles

Du poème

De la pensée

Et du rêve !


Maria Zaki (Soudain les roses pourpres, L’Harmattan 2012).

Le ruisseau coule

Aux confins du silence

Le ruisseau coule

Il barbouille son visage

D’un morceau de ciel

De deux ou trois nuages

Au gré de son humeur


Inutile de préciser

Qu’il ne s’inonde pas

De questions

Sur sa longueur

Sur sa largeur

Ni sur sa profondeur


Maria Zaki (Inédit, 2023).

Boulier compteur

Dans ces impasses du cœur

Ces ruelles des villes

Où la peur de manquer

Toujours se faufile

On ne se déplace guère

Sans son boulier compteur

Mais on peut aller et venir

Sans mots et sans sourires

Juste des calculs précis

Répétés à l’infini

Et de longs soupirs


Maria Zaki (Inédit, 2023).

Qui attend ?

Qui attend à la fenêtre

L’âme en peine

L’œil aux aguets

Un sourire éphémère ?


Qui attend un signe

Sur le quai d’une gare

Pour défaire ses doutes

Et poser ses affaires ?


À l’attente excessive

Qu’on ne sait plus

Interrompre

Le temps retire

Son soutien

Et ses faveurs


Maria Zaki (Inédit, 2023).

L’influence du numérique sur la création littéraire

Maria Zaki [1]

L'ENS de Rabat, les 30-31 mars 2022

Introduction

Ce qui fait du numérique la question du moment, c’est pourrait-on dire, son extension ultra rapide et quasi imprévisible dans différents domaines. En quelques décennies seulement, ces nouvelles technologies ont instauré un rapport original de l’être humain avec la réalité, désormais marqué du sceau de la virtualité. Qui aurait pu prévoir que ce phénomène prendrait aussi rapidement autant de place et d’importance dans le monde ?

Internet peut être considéré comme un succès indéniable de la mondialisation, dans la mesure où l’interconnexion et l’intensité des flux d’informations ont atteint une telle ampleur leur permettant d’influencer le monde, de façon de plus en plus importante, aussi bien à l’échelle des individus qu’à celle des Etats. Le recours au numérique s’est imposé de manière très forte, suite à une double extension. La première, fut réalisée par l’introduction douce et sourde au sein de la vie et la seconde, ne fut pas moins qu’un tournant « éthique » inévitable.

La double extension d’Internet

A sa création en 1990, le Web n’était qu’un système de messagerie. Dix ans plus tard, les ordinateurs connectés donnèrent naissance à un nouveau monde numérique et virtuel : « Le Cyberespace ». « Ce nouveau vocable nous a empêchés de prendre conscience d’un changement d’espace qui s’est opéré de manière radicale », ce que le philosophe et historien des sciences et de l’épistémologie, Michel Serres, a souligné dans la conférence « Humain et révolution numérique » qu’il a donnée en 2013, à l’USI (Unexpected Sources of inspiration) [2]. En plus de l’adresse de son habitation (ou adresse postale), la seule qu’il n’ait jamais eue depuis le néolithique, l’Homme a commencé à avoir une adresse électronique et même plusieurs. Peu à peu, les boites aux lettres traditionnelles se sont vidées, au profit des boites électroniques. Ceci s’applique aussi au passage du téléphone fixe aux téléphones portables. « Les adresses postales se référaient à un espace métrique euclidien, alors que les adresses électroniques se réfèrent à un espace non métrique, topologique », comme l’a précisé Michel Serres, avant d’ajouter : « On ne doit pas dire que les nouvelles technologies ont raccourci les distances ou réduit les espaces, c’est faux car avec elles, on passe d’un premier espace à un second espace, complètement différent. Ce sont les moyens de transport qui réduisent les distances au sens où on l’entend. Les nouvelles technologies les suppriment. L’Homme ne vit plus dans le même espace que ses prédécesseurs et les conséquences sont considérables. »

Par ailleurs, Internet a fait tomber des frontières les unes après les autres, au profit de la consommation et une planète financière s’est constituée. Cet essor fulgurant d’Internet s’est accompagné d’une propagation d’idées et de rêves dans le monde entier dont nul ne pourrait nier les effets complètement inédits sur les humains. Cependant, personne ne dispose d’outils pour penser le phénomène dans sa globalité. Nous ne disposons que de théories partiellement vraies.

Quant à la seconde extension d’Internet, elle revêt un caractère inévitable. Comment vivre sans Internet aujourd’hui ? Pas une entreprise qui n’est son site, pas une administration publique ou privée qui n’incite les usagers à effectuer eux-mêmes leurs démarches en ligne, pas un journal de la presse écrite qui ne propose des informations exclusivement sur le net… etc. En 2012, un Français sur deux déclarait avoir déjà acheté sur un site en ligne, et en moins de cinq ans, ce fut le cas quasiment pour toute la population. La dématérialisation continue à s’accroître et Internet n’en finit pas de tisser sa Toile. Ceci implique, comme l’a rappelé aussi Michel Serres, que des institutions nouvelles sont à penser et à mettre en place, afin de suivre ce grand changement d’un point de vue juridique et politique.

Différents usages du numérique selon les individus

Avant d’essayer de repérer ce qui caractérise l’influence du numérique, ou du digital, sur la création littéraire, jetons un coup d’œil sur les différents usages du numérique selon les individus. Les outils numériques peuvent être utilisés de manières diverses et variées selon les personnes. Tout le monde ne s’en sert pas avec le même savoir, ni les mêmes bénéfices, ni dans les mêmes proportions. Néanmoins, il est possible de constater des points communs au sein d’une catégorie d’utilisateurs du numérique et de comparer quelques catégories antagonistes. La première correspond aux professionnels qui sont des ingénieurs, des concepteurs, des programmeurs ou des consultants en digital qui possèdent assez de connaissances pour en maîtriser les rouages. Par opposition, il y a ce qu’on pourrait désigner par les amateurs. Ceux-là sont principalement des utilisateurs du numérique de manière plus ou moins dilettante, plus ou moins réflexive. Ils ont peu ou prou de compétences dans le domaine et sont largement plus nombreux que les précédents.

La deuxième catégorie correspond aux jeunes qui sont très actifs ou hyper-connectés, comme on dit. Au début, nous pensions qu’ils avaient un sens inné du numérique, mais par la suite, cette idée de la jeunesse « digital native » a été sérieusement remise en question. En outre, hormis une minorité de jeunes qui s’appuie sur les outils numériques pour améliorer ses résultats scolaires ou consulter des sites au contenu culturel de qualité, les autres partagent leur temps entre leur smartphone et le grand nombre de messages (SMS, MMS…) échangés, et les réseaux sociaux ou les jeux sur le Net.

En face, il y a la catégorie de personnes plus âgées qui ont vraisemblablement moins de facilité à manier ces outils mais qui, en revanche, ne se laissent pas happer par Internet. Néanmoins, dans certains cas, il faut également les inciter à être plus vigilants pour limiter les dégâts qu’entraînent souvent des erreurs de jugement ou des mauvais choix, lors de l’utilisation d’Internet. D’autres catégories peuvent être relevées de la même manière : actifs/oisifs, riches/pauvres… etc., mais nous n’allons pas les développer dans cette communication.

L’impact des usages numériques sur la création littéraire

Etant donné que la production littéraire connait une croissance inédite en termes de quantité liée, entre autres, à une grande vitesse de réalisation, gardons-nous de tirer des conclusions trop hâtives, dans un sens comme dans l’autre, concernant la qualité de ces œuvres. Notre pensée doit se doter du sens critique nécessaire à l’esprit scientifique capable de rompre ses propres cadres, l’important étant de se libérer des entraves du conformisme revêtant un aspect rassurant, sans pour autant tomber dans les pièges de la séduction, ayant pris une ampleur sans précédent.

Aujourd’hui, du Tweet intempestif à la tentative littéraire, tout le monde écrit, partout, à tout âge, pour dire tout et n’importe quoi. Pourtant, l’écriture, plus que l’oralité, invite à peser ses mots, contrôler son orthographe, réviser sa grammaire, et structurer ses idées. On a l’impression que les gens sont devenus graphomanes, c.à.d. atteints d’une impulsion maladive poussant à écrire continuellement. Fini la tempérance ! Oublié, l’expression d’Horace qui dit : « Les paroles s’envolent, les écrits restent. » C’est comme si bon nombre d’humains étaient pris dans un engrenage, inconsciemment.

Ceci nous conduit à plusieurs interrogations, mais avant de les considérer, rappelons la question posée par l’écrivain américain Douglas Rushkoff : « Ecrire avec le numérique est-ce programmer ou être programmé ? » [3]. La réponse est vraisemblablement : « être programmé », car le nombre élevé d’utilisateurs n’a rien avoir avec celui des programmeurs qui l’est beaucoup moins. C’est pourquoi, Rushkoff nous met en garde contre le risque d’être des utilisateurs utilisés.

Passons à présent à nos propres questions.

Première question : L’ère du numérique est-elle une ère où tout est ouvert, où tout est à créer ?

Aujourd’hui, le numérique a envahi notre quotidien, modifiant considérablement les différentes productions et pratiques culturelles. Mais évitons de penser que l’ère numérique est une ère où tout est ouvert. Il serait plus judicieux de dire que cette ère a ouvert de nouvelles portes qui mènent inévitablement à une évolution de notre manière de lire, d’écrire et de publier. Certes, ceci a incité des auteurs et des éditeurs indépendants réactifs aux nouvelles tendances, à saisir des opportunités qu’ils n’avaient pas auparavant. La démultiplication des nouvelles formes et supports de publication sur le Web leur a permis d’explorer des possibilités inaccessibles dans le circuit classique, mais les autres auteurs et éditeurs, ainsi que les diffuseurs et les institutions, s’y sont mis également. Ce dernier basculement a amplifié la complexité des débats et des opinions à l’égard de la création littéraire actuelle.

D’autre part, si nous revenons à l’histoire des mutations des pratiques de la création littéraire, nous constaterons que les premières relations entre la littérature et le numérique ne sont pas dues à Internet mais à une quête créative profonde qui parcourt les avant-gardes et pousse les auteurs à la variation. Nous pouvons rappeler la pratique de l’écriture combinatoire qui a produit les premières œuvres entre 1959 et 1975. Dans son livre : L’art et l’ordinateur, publié en 1971, le professeur Abraham Moles dit : « L’ordinateur produit des variations que l’auteur, dans un second temps, réinjecte comme bon lui semble dans ses productions. » [4].

Nous pouvons également relever la question du hasard et de l’aléatoire dans la littérature générative, grâce aux auteurs qui ont associé leurs écrits aux incertitudes du jeu (jeu de go, jeu de cartes, marelle…) donnant un dispositif de lecture participative aléatoire. Par exemple, l’auteur argentin Julio Cortazar dans son roman « Marelle », publié en 1963 [5]. Ce type de dispositif génératif offre des propositions de lecture actualisée sans fin, ou presque, à partir d’un texte d’origine ou d’une matrice génératrice de textes.

Les exemples de ce type ne manquent pas, ce qui rejoint ce que Serge Bouchardon, professeur à l’UTC (Université de Technologie de Compiègne), dont le domaine de recherche est l’écriture numérique, confirme en disant : « La création littéraire avec et pour l’ordinateur existe depuis plus d’un demi-siècle. Cette littérature s’inscrit dans des lignes généalogiques connues : écriture combinatoire et écriture à contraintes, écriture fragmentaire, écriture sonore et visuelle. » [6].

Dès lors, nous ne pouvons pas considérer que l’ère du numérique est une ère où tout est à créer mais plutôt où tout est à repenser. Pour l’heure, l’enjeu de se réinventer dans ce nouveau monde qui se doit de conjuguer littérature et numérique demeure loin d’être cerné.

Deuxième question : A quel point une redéfinition de la création littéraire s’avère-t-elle nécessaire, aujourd’hui ?

Comme nous l’avons déjà signalé, les rapports entre le numérique et la création littéraire sont complexes et dépassent les problèmes liés au simple passage d’un support à l’autre. Les nouvelles œuvres ont des dimensions hypertextuelle, multimédia et interactive. Il faut donc juger des textes animés, manipulables, dans lesquels les mots n’ont plus seulement leur valeur linguistique. Ils possèdent des icônes, des fenêtres, un rythme, un mouvement… etc.

Avant de répondre à cette question, il faut distinguer la littérature numérisée de la littérature numérique. La première, correspond aux textes de littérature classique, encodés dans la bibliothèque numérique et les textes téléchargeables ou les e-books. Et la seconde, est écrite directement pour le dispositif numérique.

Le cas de la littérature numérisée demeure relativement simple. Aux compétences requises pour l’analyse purement littéraire, centrée sur l’écrit, s’ajoute uniquement la prise en compte des possibilités d’enrichissement expressif que permettent les dispositifs informatiques. Deux cas de figures se présentent à nous : le livre homothétique et le livre augmenté ou enrichi. Dans le premier cas, le livre numérisé reproduit à l’identique le contenu de son homologue sur papier. Dans le second, celui-ci dépasse la forme d’origine, en enrichissant le texte de médias, et en le rendant plus interactif. Citons l’exemple des « classiques interactifs », publiés par L’Apprimerie que relate le professeur Arnaud Laborderie en disant : « L’édition enrichie du Horla 8 (2014), de Maupassant, surprend d’emblée avec une ouverture en musique, aux tonalités assez inquiétantes. Des figures textuelles animées et manipulables alternent avec des pages de texte classiques, invitant le lecteur à plonger dans un univers poétique où l’environnement sonore et les interactions renforcent le sentiment d’immersion dans l’œuvre. De tels livres ne se contentent pas d’enrichir le texte, ils proposent une nouvelle médiation, immergeant le lecteur dans un univers plastique, narratif et discursif. » [7].

Quant à l’analyse de la littérature numérique, elle s’avère beaucoup plus complexe. Pour comprendre et analyser ces nouvelles pratiques, il faut adopter une autre démarche didactique, avec de nouvelles compétences, allant de l’analyse littéraire à la programmation, de l’esthétique au web design, des études cinématographiques à la musicologie, ou encore des sciences de la communication à l’ingénierie des réseaux. Nous sommes amenés à analyser les figures de manipulation et d’animation du texte. En d’autres termes, il faut passer d’une critique du texte à une critique du dispositif. Il s’agit donc d’une démarche didactique transversale, ou méta-scripturale.

Ceci montre qu’une redéfinition de la création littéraire serait la bienvenue. De la confrontation du texte avec l’image et le son, risquent de surgir de nouvelles formes de créativité que l’on hésite à rattacher à la littérature, tant elles se croisent avec les formes d’art qu’a pu faire naître le multimédia.

D’autre part, l’implication du lecteur dans le processus d’élaboration, notamment dans le cas d’hypertexte, lui permet de devenir acteur et le mène à s’improviser auteur, en quelques sortes. Même résultat dans le cas des écrits collectifs sur des blogs, avec plusieurs éléments qui influent le texte : auteurs multiples, commentaires des lecteurs, échanges entre l’auteur et ses lecteurs,… etc. Dès lors, nous pouvons dire que même la notion d’auteur nécessiterait une redéfinition.

Troisième question : Les outils numériques seront-ils uniquement utilisés pour des usages hybrides ? Et qu’en est-il du cas du livre numérique en particulier ?

« Si je sais pourquoi, je sais. » disait Aristote, mais avec le numérique, nous baignons dans un univers de rétroactions permanentes et nous avons du mal à démêler les effets de ces usages, de leurs causes.

Après avoir considéré l’écriture numérique, considérons à présent la lecture. L’accroissement continu du nombre de personnes qui s’adonnent à la lecture de livres sur des écrans numériques, tous appareils confondus (liseuses, tablettes, ordinateurs ou smartphones) est indéniable. Le nombre de livres numériques lus pour le travail, pour les études ou pour les loisirs a significativement augmenté, ces dernières années. Cet état de choses peut être expliqué par un meilleur taux d’équipement et des prix plus abordables, mais aussi par l’adoption de nouvelles habitudes. Habitudes que la crise sanitaire mondiale a renforcées. De nombreux lecteurs exclusifs en imprimé, déclarent qu’ils envisagent de passer à la lecture numérique. Ils déclarent également que depuis qu’ils lisent en numérique, ils lisent plus de livres qu’avant.

Par conséquent, le livre imprimé tend à être réservé davantage aux loisirs qu’aux études ou au travail. De toute évidence, les professionnels, les étudiants et les chercheurs, qui ont besoin d’un grand nombre d’informations, et donc de livres, pour un seul et même sujet, préfèrent y accéder directement en ligne. Ils peuvent en disposer sans devoir commander de livres imprimés ou de se rendre à la bibliothèque. Le numérique leur propose un éventail d’informations tellement large, qu’il serait absurde de ne pas s’en servir. D’un seul clic, il est possible d’accéder directement, et à tout moment, à l’information recherchée ou au livre souhaité. Tout tend à encourager les derniers récalcitrants à s’y mettre.

Conclusion

Le monde actuel poursuit une course au cap difficilement lisible. En même temps, nous vivons une phase extrêmement intéressante, à l’échelle de l’histoire humaine. D’aucuns pensent que l’être humain d’aujourd’hui a besoin de forger un imaginaire technologique à son image, pour mieux dompter le monde numérique, et que la machine n’est qu’un outil qui lui permet de réaliser ce que son corps seul ne saurait faire. Ceci rejoint la notion d’ »Homme augmenté« . A ce sujet, les professeurs et chercheurs au CNRS, Bernard Claverie et Benoît Le Blanc, précisent : « Le terme « augmentation » désigne, lorsqu’il se réfère à l’homme ou à l’humain, un ensemble de procédures, méthodes ou moyens, chimiques ou technologiques, dont le but est de dépasser les capacités naturelles ou habituelles d’un sujet. » [8]. De la même manière, nous pouvons considérer qu’il s’agit de « littérature augmentée« .

Dans chacune de nos réponses, demeure encore une question, voire plusieurs.  C’est pourquoi, la seule conclusion que nous pouvons risquer, c’est que nous sommes confrontés à une problématique qui présente de multiples paramètres et d’infinies variations.

Références :

[1] : Laboratoire de recherche et de développement, Datacell, France.

[2] : Michel Serres (2013). Humain et révolution numérique, l’USI (Unexpected Sources of inspiration).

[3] : Douglas Rushkoff (2010). Program or be Programmed: Ten Commands for a Digital Age.

[4] : Abraham Moles (1971). L’art et l’ordinateur, éd. Blusson.

[5] : Julio Cortazar (1963). Marelle en espagnol : Rayuela, roman traduit par Laure Guille Bataillon (roman) et Françoise Rosset (essai).

[6] : Serge Bouchardon (2014). La valeur heuristique de la littérature numérique, Thèse/Mémoire.

[7] : Arnaud Laborderie (2020). Le livre augmenté : un nouveau paradigme du livre ? Revue de la Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque nationale de France.

[8] : Bernard Claverie et Benoît Le Blanc (2013). Homme augmenté et augmentation de l’humain, CNRS éditions.

Communication de Maria Zaki dans le cadre du Colloque international sous le thème : « La Représentation en langues, littératures et arts : quelles mutations à l’ère du digital ? » à l’Université Mohammed V de Rabat, les 30-31 mars 2022.



Une lueur d’espoir à protéger

Il y a des portes fermées

Sur des secrets d’État

Et d’autres sur un tas

De secrets ordinaires


Il y a des portes fermées

Sur des sentences prises

Par des lâches

Et d’autres sur

Des braves qui tombent

Dans l’indifférence

Sans lâcher prise


Il y a des heures

Qui encombrent le cœur

D’une sombre boule

Où le réel et son double

Se suivent et se confondent

À la vitesse de l’éclair


Il y a des étoiles

Éclatantes de noirceur

Des beaux yeux

Atteints de cécité

Des témoins muets

Et des silences hurleurs


Pourtant

Tant qu’il y aura

Un poème

Un chant

Ou un rire d’enfant

Il y aura

Une lueur d’espoir

À protéger

Maria Zaki (Inédit, 2022).