ISBN : 9782296049246

DUMAS ET LES AMOURS DE NERVAL

Michel Brix



Dans Promenades et Souvenirs, quelques jours avant de mettre fin à son existence, Gérard de Nerval écrit que celle-ci a intimement tenu aux ouvrages qui ont fait connaître son nom dans le publicI. On peut comprendre de plusieurs manières cette formule, qui évoque, d'abord, que les dernières œuvres de Gérard - celles que nous lisons encore aujourd'hui - ressortissent au genre de l'auto- biographie et sont, à ce titre, nourries des souvenirs de l'auteur. Une part non négligeable de cette inspiration personnelle s'articule autour de la vie amoureuse de l'écrivain. Ainsi, et selon ce que le Père Jean Guillaume a montré, l'intitulé de deux des ouvrages nervaliens majeurs, Aurélia et Pandora, renverrait, l'un à Anne-Stéphanie Houssaye-Bourgeois, l'autre à la pianiste virtuose Marie Pleyel. L'affection pour MmeHoussaye, épouse d'un ami de Nerval (Arsène Houssaye) et prématurément décédée en décembre 1854, domine les moments ultimes de la vie de Gérard. MmeHoussaye a peut-être contribué à faire oublier à celui-ci le souvenir de Marie Pleyel, rencontrée à Vienne au cours de l'hiver 1839-1840 et qui semble avoir longtemps tourné la tête au poète, réduit avec elle au rôle de patito. Pandora évoque aussi les amours d'enfance, notamment à travers l'évo- cation de la "cousine" Sophie (sans doute Sophie Paris de Lamaury), que Gérard, adolescent, allait visiter à Saint-Germain-en-Laye. Sylvie, autre grand texte de la fin, s'ouvre également à la mémoire des amours d'enfance, mais nul n'a jusqu'ici réussi à percer le mystère des identités d'Adrienne et de l'héroïne éponyme. Elles n'ont peut-être, au demeurant, aucun état civil. C'est dans Sylvie, aussi, qu'apparaît l'actrice Aurélie, derrière laquelle on devine la figure de Jenny Colon. Celle-ci a souvent été regardée comme la bien-aimée nervalienne par excellence. En fait, la présence de Jenny Colon dans la vie de Gérard se marque essentiellement au cours des années 1830 et il est à l'évidence peu pertinent de suggérer - comme trop de critiques l'ont fait - que la comédienne se cache derrière le masque d'Aurélia (le pôle amoureux du Bien) ou de Pandora (le pôle amoureux du Mal).