
ISBN : 9782296049246
TRAVERSÉES DE L'IMMINENCE DE JEAN-LOUS CHRÉTIEN : UNE LECTURE À L'ÉCOUTE
Geneviève Fabry
Langage marginalisé aussi bien dans l'appareil éditorial que dans l'espace culturel, la poésie s'entête à dire le silence d'où elle vient et où elle retourne: elle fait de cette pauvreté, du lieu d'indétermination qui la fonde et l'entoure, un principe central de sa lecture. Entêtée, elle fait entendre une autre VOiXlà qui se dispose à l'écouter, ou plutôt, à qui se trouve saisi par une parole qui l'interpelle en un lieu intérieur méconnu et qui, inexplicablement, résonne. De ce saisissement qui se meut en résonance patiente, je voudrais rendre compte ici à partir de la lecture d'un recueil de Jean-Louis Chrétien. Une voix résonne dans les poèmes de Chrétien, c'est cette voix que je souhaiterais écou- ter, que je souhaiterais entendre et faire entendre. Qu'est-ce à dire? S'agirait-il d'analyser la thématisation, dans le langage poétique, d'un des noyaux de la pensée de Chrétien, telle qu'elle a été évoquée par l'auteur lui-même ou l'un de ses exégètes ? Bien faible écoute que celle qui ne viserait qu'une entente. Jean- Luc Nancy se demandait, dans une belle réflexion qui vaut autant pour le travail philosophique que pour l'analyse littéraire: Le philosophe[le critique]ne serait-ilpas celui qui entendtoujours (et qui entend tout)mais qui ne peut écouter,ou plus précisémentqui neutraliseen lui l'écoute, et pour pouvoir philosopher ? Ainsi, le philosophe - et le critique - se trouveraient-ils "livré[s], d'emblée, à la mince indécision tranchante qui grince, qui claque ou qui crie entre" écoute" et "entente"", c'est-à-dire "entre une tension et une adéquation, ou bien encore, si l'on veut, entre un sens (qu'on écoute) et une vérité (qu'on entend), bien que l'un ne puisse, à terme, se passer de l'autre" ?